Acte Notaire: Un indice de compétitivité bientôt créé
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Il est certain que la loi régissant le notariat sera amendée. La profession a élaboré 21 propositions à soumettre au ministère de la Justice
Rien n’interdit aux notaires de se lancer des fleurs. Il ne fallait donc pas rater une si belle occasion comme celle du 5e Colloque des notariats de la Méditerranée organisé pendant deux jours à Tanger (cf. L’Economiste du 25 mars 2015). Son coordinateur et président honoraire de l’Union internationale du notariat, Jean-Paul Decorps, ouvre la voie: «C’est un pays et un notariat où je compte beaucoup d’amis…». La politique est bien entendu toujours présente. «La naissance de ce colloque en 2006 à Marseille est inspirée d’un constat géostratégique… Une idée que les politiques allaient d’ailleurs reprendre avec moins de succès pour créer l’Union pour la Méditerranée. L’avenir de notre profession, vu d’Europe occidentale, se situe de toute évidence au Sud», enchaîne l’orateur français.
Ce beau discours ne doit pas pour autant occulter la sourde rivalité euro-africaine ayant émergé durant l’élection du nouveau président de l’Union internationale du notariat. Daniel-Sédar Senghor, neveu de l’ancien président sénégalais, a été élu haut la main. «Le soutien de l’Ordre des notaires du Maroc, de nos confrères africains et d’Amérique latine y est pour quelque chose», comme nous le confie son président, Ahmed Amine Touhami El Ouazzani. Et qui aurait même soufflé l’idée à son confrère sénégalais de se présenter à la présidence. «Surtout qu’il a l’avantage de parler 7 langues», argue notre source.
Derrière ses indiscrétions de coulisses, il y a un match culturel. Deux traditions juridiques s’affrontent. L’une anglo-saxonne (Commonwealth) basée sur un droit largement jurisprudentiel. L’autre charrie plutôt une tradition juridique continentale où la codification des lois est la règle.
Pays méditerranéens et Outre Atlantique sont donc face-à-face… pour le meilleur et pour le pire.
D’où justement la présence de la vice-présidente de l’Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Marie Goré. Celle-ci évoque donc «l’enjeu» de la tradition juridique continentale. «Au-delà de la pluralité, il y a l’unité de la règle de droit. La prestation juridique n’est pas une marchandise…», estime l’intervenante qui salue au passage «la sagacité» de son prédécesseur, Jean-Paul Decorps.
Il est permis d’en déduire que l’idéologie du capitalisme à l’américaine est indirectement mise à l’index.
Exception des pays latinos européanisés -Argentine, Colombie et Brésil-, le notariat est une profession inexistante chez les Américains du Nord.
Le ministre de la Justice et des Libertés, Mustapha Ramid, apporte sa touche locale. L’acte authentique (rédigé par un notaire) «subit des attaques féroces des autres systèmes qui le concurrencent. L’efficacité de l’acte notarial doit se renforcer via d’autres critères pour consolider la sécurité juridique et attirer les investisseurs». La déclaration ministérielle sous-entend le chaud débat qui agite les professionnels du droit. Les notaires applaudissent. Eux qui ont horreur des actes sous seing privé. La profession le considère comme «attentatoire à la sécurité juridique». Du coup, les notaires se déclarent contre le projet de loi relatif aux agents d’affaires habilités à rédiger des actes à date certaine. Le ministre fait aussi un clin d’œil à la loi Macron qui suscite l’ire des professions libérales: «Le Maroc n’a pas intérêt à suivre le cas français». Ovation des notaires… marocains. Du local au global.
Dans les instances financières internationales le débat est presque de nature similaire. Les lobbyistes américains font leur œuvre pour repousser le formalisme continental, rapporte en substance l’Union internationale du notariat. «Rien de ce qui fâche le droit ne doit rester indifférent au notaire», déclare son président à ses confrères méditerranéens. Un comité scientifique a été spécialement créé «pour calculer la pertinence économique de l’acte notarié». Telle est la réponse de l’ONG que préside Daniel-Sédar Senghor aux desseins des avocats anglo-saxons «friands de contentieux». Pour les notaires, l’acte qu’ils rédigent apporte la paix sociale: «minimise le recours au tribunal». C’est cette idée que leur organisation veut démontrer en créant «un indice objectif de compétitivité». Il vise à évaluer d’abord le coût réel de l’acte authentique, ses apports au PIB, ses gains en matière de prévention du contentieux… L’Union internationale du notariat compte recourir à des agences de notation pour appuyer son projet. Et n’hésite pas à critiquer le rapport Doing Business de la Banque mondiale. Une instance qui tient son assemblée annuelle et «qui est traversée par des sphères d’influence». Vu de Rabat, l’enjeu peu paraître loin de nos préoccupations. Or, c’est dans ces instances où se décident les normes et les plans d’ajustement de demain. Et demain, c’est déjà aujourd’hui.
Source: L’ECONOMISTE
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